Veut-on empêcher l’innovation en santé en France ?
Paris, 30 septembre 2022
Réunis à PariSanté Campus le 28 septembre 2022 à l’occasion du Meeting Innovations Thérapeutiques et Attractivité (#MITA22) organisé par Orphan Organisation 7, les acteurs de l’innovation en santé ont constaté l’incohérence du volet « produits de santé » du projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2023. « Il n’y a dans ce texte aucune mesure incitative sur l’attractivité ou sur l’innovation » a ainsi constaté Laurence Undreiner, directrice des affaires publiques et de l’accès au marché de GenSight Biologics. « Le PLFSS tombe comme un couperet, que l’on n’avait pas envisagé car il n’était pas envisageable » a affirmé Antoine Ferry, Président de CTRS.
Tout ça pour ça ?
Le conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021, le récent accord cadre LEEM-CEPS, les annonces d’investissements stratégiques dans l’innovation en santé avaient dessiné une vision en termes d’attractivité pharmaceutique pour la France. L’administration, qui empêchait déjà l’aboutissement de cette vision par ses modalités d’évaluation des médicaments et de négociation de leurs prix, semble avoir concrétisé dans ce PLFSS ses rêves les plus fous en termes de régulation budgétaire obtuse :
- la création d’une super-clause de sauvegarde (« contribution au titre de médicaments à forte croissance et chiffre d’affaires élevé ») dédiée aux médicaments innovants et en croissance qui porterait un nouveau coup désastreux à l’image de la France en termes d’attractivité et empêcherait l’envol de nouvelles pépites nationales ;
- la subordination de l’inscription au remboursement à des critères de volumes et de conditions tarifaires par une procédure de « référencement », nouvel outil déconnecté des réalités industrielles, qui se construirait sans aucune concertation ni négociation, serait précaire car revu chaque année et dissuaderait les firmes pharmaceutiques innovantes d’implanter une filiale en France et donc d’y mettre sur le marché leurs thérapies ;
- une clause de sauvegarde qui se transformerait en véritable taxe sur le chiffre d’affaires, obérant la croissance de l’ensemble de l’industrie.
Orphan Organisation 7 tient à rappeler que l’industrie pharmaceutique est déjà soumise à huit taxes ou contributions spécifiques (contre trois en Italie et en Espagne, et une seule en Allemagne) : la contribution sur les dépenses de promotion, la contribution sur le chiffre d’affaires, la contribution sur les ventes directes, la contribution M, les taxes annuelles EMA, les droits aux étapes de la vie de l’AMM, la taxe due au titre de la demande d’un visa de publicité et la taxe due au titre de l’inscription d’un médicament au remboursement sur la liste ville ou collectivité. A ces différentes taxes ou contributions se rajouteraient donc les nouvelles mesures de ce PLFSS. Le message envoyé est on ne peut plus clair : la France a renoncé à être une terre d’innovations.
Un simulacre d’étalement de paiement
Depuis plusieurs années, le think tank Orphan Organisation 7 plaide pour la possibilité d’une mise en œuvre d’étalement de paiement des médicaments innovants, pouvant être couplée à un contrat de performance. Dans un communiqué du 22 septembre 2022, nous disions « chiche » au directeur de la sécurité sociale, qui avait affiché sa volonté de voir un tel mécanisme apparaître, à la condition que l’étalement de paiement soit mis en place en parallèle d’un changement de regard porté par l’administration sur les thérapies innovantes.
Concrétisé dans le PLFSS pour 2023, ce mécanisme est très loin de celui qui permettrait à la fois de partager le risque entre les comptes sociaux et les entreprises, et d’améliorer l’attractivité pharmaceutique de la France.
En effet, l’application même de ce mécanisme ne serait pas négociée mais bien imposée en cas de dépassement d’un seuil forfaitaire, ce qui va à l’encontre d’une philosophie industrielle devant reposer sur une relation contractuelle entre les pouvoirs publics et les entreprises. En outre, ce mécanisme n’a pas tant comme objectif de partager le risque ou d’améliorer l’accès des thérapies innovantes au bénéfice des patients que de réaliser des économies budgétaires, comme l’étude d’impact du PLFSS pour 2023 l’exprime déjà avant même que la moindre convention d’étalement de paiement ne soit signée entre un laboratoire et le CEPS.
Dans ces conditions, Orphan Organisation 7 estime que ce mécanisme ne saurait contribuer à l’attractivité de la France en termes d’innovation en santé ni à la mise à disposition de thérapies innovantes au bénéfice des malades.
OO7 attend de l’écoute et restera force de propositions
Dans des propos tenus lundi sur BFMTV et retranscrits par l’Agence de presse médicale, la première ministre Elisabeth Borne déclarait : « On peut tous constater qu’ils [les laboratoires pharmaceutiques] ont réalisé un chiffre d’affaires important [pendant la crise sanitaire] et donc, aujourd’hui, je pense qu’il est important qu’ils participent à l’effort collectif ».
Les laboratoires membres de OO7, dont certains forts contributeurs pendant la crise Covid, sont des entreprises émergentes et innovantes qui continuent à faire face à des modalités administratives d’évaluation et de négociation déconnectées des réalités et mettant en péril leur survie ainsi que la mise à disposition des thérapies qu’ils développent. Ces entreprises, face à ces difficultés, ne génèrent bien souvent aucun chiffre d’affaires. Elles se tiennent à la disposition de la première ministre pour lui exposer leurs expériences concrètes.
Dans le cadre du PLFSS pour 2023, OO7 proposera et publiera des amendements pour tenter de corriger les dérives de ce texte.
A propos de OO7
Orphan Organisation 7 est un think tank créé à l’initiative de nile et regroupant neuf entreprises innovantes et émergentes luttant contre les maladies rares : Alnylam, Amarin, CTRS, Eusapharma, Global Blood Therapeutics, GenSight Biologics, Intercept, Nanobiotix et Santhera.