Tribune, Paris, le 1er mars 2021.
A l’occasion de la journée internationale des maladies rares, le think-tank Orphan Organisation 7, regroupant sept entreprises innovantes luttant contre les maladies rares (Alnylam, Bluebird Bio, CTRS, EUSA Pharma, Intercept Pharma, Nanobiotix, Santhera) prend la parole pour appeler à un véritable partenariat entre l’industrie et l’Etat afin de favoriser l’innovation et l’attractivité en santé.
« Déclassement », « humiliation » : en ce début d’année 2021, aucun mot n’a été assez dur, jusqu’au sommet de l’État, pour constater l’impasse industrielle dans laquelle la France s’est engouffrée depuis des années en matière d’innovation en santé. La fin annoncée des « blockbusters », ces médicaments chimiques produits à grande échelle pour répondre à des maladies courantes, l’avènement des génériques, les doutes qui ont résulté de certains scandales, ont conduit à une volonté partagée par tous les gouvernements de constamment baisser les dépenses de médicaments. Focalisée sur les indicateurs budgétaires, la France a regardé passer le train de l’innovation.
La mise à disposition de vaccins par des start-ups étrangères largement aidées par d’audacieux programmes publics dans leurs pays a permis à la France de se rendre compte bien tard de son erreur. Par un refus obstiné de payer à son juste prix l’innovation et le risque pris par des équipes de chercheurs et d’entrepreneurs au travers de longues étapes de recherche et développement, la France fait passer le message suivant : ici, les médicaments innovants sont vendus à perte, allez investir ailleurs. Pour exemple les réformes successives des dispositifs « accès précoce », qui permettent en théorie de mettre à disposition des thérapies innovantes avant leur mise sur le marché, sont appliquées par l’administration dans le sens du freinage de l’accès à l’innovation. Les conséquences sont dramatiques : l’accès au bénéfice des malades à des thérapies de rupture contre les maladies rares est retardé voire empêché, l’implantation et la création d’entreprises ultra-innovantes notamment dans les champs de l’ARN, des anticorps monoclonaux ou des thérapies géniques sont semées d’embûches, des gains médico-économiques manifestes dus à une nouvelle organisation des soins et à la fin de la chronicité de certaines maladies sont enrayés. Il n’est plus rare qu’une entreprise plie bagages, ou que des médicaments innovants sans équivalents ne soient finalement pas mis à disposition en France.
Ces nouvelles thérapies produites par des entreprises innovantes et principalement focalisées dans la lutte contre le cancer ou les maladies rares coûtent cher ; cela est dû notamment au besoin financier de compenser les lourds investissements engagés durant des années en recherche et développement. Mais elles apportent aux malades une amélioration radicale de la qualité de vie, voire une guérison, ce qui permet de fortes économies à long terme ainsi que d’immenses gains pour la société française. La France a rendez-vous avec son histoire. Ce que notre pays a investi dans la lutte contre les maladies rares est immense ; mais il manque le dernier maillon, essentiel au même titre que les autres : celui de la confiance en l’innovation.
Cette confiance peut se reconstruire. Il ne suffit pas de financer la recherche fondamentale ; il faut apporter de la visibilité et des raisons d’investir en France aux entreprises qui développent les nouvelles thérapies. Parmi d’autres, une solution serait particulièrement pertinente : contractuellement, garantir aux entreprises un prix soutenable pour leurs thérapies, à un niveau et dans des délais compétitifs dans le contexte européen, en échange d’investissements importants de leur part en France et de la valorisation de données scientifiques enrichies sur le long terme. Alors, la France pourra reprendre sa place de Nation qui compte dans la lutte contre les maladies rares.